La pièce ne
paraissait pas exactement sombre, mais le jour, tombant des vitraux
presque dépolis par les bouillons nombreux qui bossuaient leurs
verres, y conservait une qualité incertaine et comme perpétuellement
déclinante ; sa pénombre, à toute heure du jour, semblait
dissoudre une tristesse stagnante de crépuscule. Elle était
sommairement meublée de tables de travail en chêne poli ; contre
les murs nus, des placards de bois sombre contenaient des livres —
presque tous de lourds in-folios aux reliures ternies — et des
instruments de navigation d’un modèle ancien. Sur le mur du fond
de la salle, à mi-hauteur de la voûte, s’appliquait une galerie
étroite et légèrement construite qui courait le long d’une autre
rangée de placards grillagés. Les murs nus, les mappemondes,
l’odeur de poussière, l’aspect de polissure et de long
frottement des tables usées inégalement comme une paume, faisaient
songer à une salle de classe, mais que l’épaisseur des murailles,
le silence de cloître, et le jour douteux, eussent confinée dans
l’étude de quelque discipline singulière et oubliée.
(...)
Debout, penché sur la table, les deux mains appuyées à plat sur la carte, je demeurais là parfois des heures, englué dans une immobilité hypnotique d’où ne me tirait pas même le fourmillement de mes paumes. Un bruissement léger semblait s’élever de cette carte, peupler la chambre close et son silence d’embuscade. Un craquement de la boiserie parfois me faisait lever les yeux, mal à l’aise, fouillant l’ombre comme un avare qui visite de nuit son trésor et sent sous sa main le grouillement et l’éclat faible des gemmes dans l’obscurité, comme si j’avais guetté malgré moi, dans le silence de cloître, quelque chose de mystérieusement éveillé. La tête vide, je sentais l’obscurité autour de moi filtrer dans la pièce, la plomber de cette pesanteur consentante d’une tête qui chavire dans le sommeil et d’un navire qui s’enfonce ; je sombrais avec elle, debout, comme une épave gorgée du silence des eaux profondes.
Debout, penché sur la table, les deux mains appuyées à plat sur la carte, je demeurais là parfois des heures, englué dans une immobilité hypnotique d’où ne me tirait pas même le fourmillement de mes paumes. Un bruissement léger semblait s’élever de cette carte, peupler la chambre close et son silence d’embuscade. Un craquement de la boiserie parfois me faisait lever les yeux, mal à l’aise, fouillant l’ombre comme un avare qui visite de nuit son trésor et sent sous sa main le grouillement et l’éclat faible des gemmes dans l’obscurité, comme si j’avais guetté malgré moi, dans le silence de cloître, quelque chose de mystérieusement éveillé. La tête vide, je sentais l’obscurité autour de moi filtrer dans la pièce, la plomber de cette pesanteur consentante d’une tête qui chavire dans le sommeil et d’un navire qui s’enfonce ; je sombrais avec elle, debout, comme une épave gorgée du silence des eaux profondes.
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