J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

jeudi 14 décembre 2017

Au château d'Argol

Dans quelques jours cela fera dix ans que Julien Gracq nous a quittés. Actuellement, je relis beaucoup de ses textes  et j'ai eu envie de partager ici cette prose. Il y aura donc dix textes lus dans les jours qui viennent.  

Quoique la campagne fût chaude encore de tout le soleil de l'après-midi, Albert s'engagea sur la longue route qui conduisait à Argol. Il s'abrita à l'ombre déjà grandie des aubépines et se mit en chemin.
Il voulait se donner une heure encore pour savourer l'angoisse du hasard. Il avait acheté un mois plus tôt le manoir d'Argol, ses bois, ses champs, ses dépendances, sans le visiter, sur les recommandations enthousiastes — mystérieuses plutôt — Albert se rappelait cet accent insolite, guttural de la voix qui l'avait décidé — d'un ami très cher, mais, un peu plus qu'il n'est convenable, amateur de Balzac, d'histoires de la Chouannerie et aussi de romans noirs. Et, sans plus délibérer, il avait signé ce recours en grâce insensé à la chance. 
Julien Gracq

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