J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

dimanche 3 septembre 2017

Un bout du pré


Toute la poésie est aux terrains vagues où ce dont personne ne croit avoir besoin partage avec tout ce qui n'a pas encore parlé, l'espace du poème. Seuls, écrit Gilles Clément, restent ces terrains vagues et le bord négligé des routes et les défaites publiques pour les herbes vagabondes chassées partout de nos jolis jardins de magazines. Seuls aujourd'hui, protègent la diversité, les jardins au ban donnés, parmi les pirates et les simples. Pendant qu'on imagine comment se partager entre états les nuages qui passent dans le ciel, au sol on répand le gazon uniforme engloutisseur de sources. Les poètes tentent comme ils peuvent de cultiver des lisières où tant de choses sont à nommer, où le vide est peuplé de rivages ignorés, d'espèces non répertoriées, où le participe futur d'aventure triomphe. Où on reste nostalgique du futur. Où on rêve d'astrophysique en épluchant ses radis. La raréfaction, nous y sommes, terre et langue, alors soignons nos terrains vagues et si décharge publique tant mieux. On jette tant de choses plus nécessaires que ce qu'on garde. Déchargeons - nous, déchargeons, ces mots sont excitants, un peu mal famés, avec le Pet d'Apollinaire et ses deux ailes comme dit en souriant Valérie Rouzeau. On prend. C'est gratuit. Ca ne prend rien c'est même donné par prendre. Comme la mayonnaise. On ne va pas toujours dire je pleure pour je pleure. On va dire qu'est-ce que c'est ce sel? Ce doit être bien important pour que les larmes et la mer recueillent l'éternité de soif d'un grain de sel ( Jabès)

Caroline Sagot Duvauroux  "un bout du pré" ( Editions Corti 2017)

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