Voici ma participation à l'atelier d'hiver de François Bon, exercice 1. Lire les explications sur son site Tiers Livre.
quel que soit
l’itinéraire emprunté dans la ville, cela finit toujours ici ;
si j’arrive par le tram remontant la grand’rue, ce n’est
pas loin de l’arrêt « hôtel de ville » ; il
suffit de prendre la première rue à droite sur une centaine de
mètres ; mais jamais je ne viens ici en premier, je laisse
monter l’envie ; une fois arpentées toutes les rues qui
m’importent , la plupart du temps ce sont les rues de l’enfance,
je finis par échouer ici ; là où se laissent voguer les
langues ; de gauche à droite et de bas en haut ; et de
l’avant vers l’arrière ; et même dans l’au-delà des
murs à peine dévoilé par une porte entrebâillée ; il y a
deux entrées mais une seule sortie; j’entre toujours par la porte
automatique qui ne s’ouvre que pour embarquer ; un trousseau
de pensées ou d’histoires repose là ; des kilos de mots
concassés ; certains s’en dispensent, pour moi c’est mon
grand large ; s’il vous plait je cherche un livre, je sais
plus l’auteur ; je l’ai entendu à la radio ; il
parlait des lointains ; c’était la semaine
dernière ; çà vous dit quelque chose ;
c’est le lieu du tâtonnement et des rencontres ; parfois
violentes comme un coup de vent entre les allées d’un
parc ; la langue déplace
et on se sent paquebot dans les arbres avide
d’un
air plus respirable ; non
j’achète rien aujourd’hui, je regarde c’est tout ; oh
t’as vu le dernier Quignard ; oui une
autre fois ;
de toute façon je finirai par l’acheter ; alors
maintenant ou la semaine prochaine ;
circuler
dans un gigantesque abécédaire infiltré de remous ; on
trouve tout,
en vrac ; on
furète
jusqu’à rêver sur les chemins noirs ou
écouter
nos défaites
;
on
évite malgré
tout
de
plonger dans la plénitude du vide ; on
se dit
que le tout, le rien et le reste suffira peut-être ; on
essaie de ne
rien lâcher ; bonjour
je cherche le prix Goncourt ; je sais pas son nom ; ne
pas savoir ce que l’on cherche , c’est comme ne plus se souvenir
de la question mais
chercher
quand
même
des réponses ; serait-ce tenir une
sorte de
vérité dans la paume que de prendre un livre entre ses mains ;
dans le désordre des jours c’est
manière de regarder le soleil en face avec
une incertaine fascination pour le vertige ; je
voudrais un livre pour quelqu’un qui n’aime pas lire ; ne
pas oublier ce sentiment d’inquiétude qui enserre parfois ;
le rayon histoire
ce n’est pas pour moi, je ne sais
pas
pourquoi ;
le
rayon philo, là-bas tout au fond, je le caresse des yeux ;de
toute façon je n’ai plus de place pour ranger les livres à la
maison ; il
y a souvent un représentant qui vante ses ouvrages et parle fort ;
je comprends
rien au classement, ils ont encore tout changé ; les
« beaux » livres
sont
dans la première zone, avec les Pléiades au sommet de l’échelle
réservée ; les cartes routières et livres de voyage à
gauche, puis théâtre et poésie à droite ; la
seconde zone est
un
grand espace pour la « littérature » française et
étrangère avec des tables basses et rondes pour les nouveautés ;
les livres de poche sont sur le côté ; comme j’aimais le
magasin d’avant,
que l’on nommait la pochetèque qui concentrait des livres aux
prix abordables ;
mes doigts caressaient
les tranches des
livres ; j’étais imbattable sur les prix des collections
selon le nombre d’étoiles attribué à chaque livre ;
j’aimais aussi les petits catalogues où mon plus grand plaisir
était de rayer de
rouge
les titres
en ma possession et entourer en
bleu
ceux que j’espérais ; t’as
vu le prix, cherche
autre chose, regarde là il y a des petits recueils sympas, non ;
quelques
marches sur la gauche et on rejoint le côté des bandes dessinées,
les livres pour enfants, les ouvrages techniques ; les
présentoirs
où s’étale la presse viennent enfin près
des caisses et de la sortie ;
lorsque
je n’ai rien pêché sur la rive de la littérature, je prends dans
mon filet quelque revue ; le dernier matricule des anges ou
quelque revue d’art feront mon miel ; ne pas revenir
sans rien
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