J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 12 décembre 2016

Ce qu'il faut


après des années passées à scruter un post-it collé à côté de mon écran où j’avais recopié ces mots de Virginia Woolf il me vient une idée délicieuse : j’écrirai tout ce que je veux écrire j’ai écrit un texte qui s’appelle tout ce que je veux c’est un long texte c’est une seule longue phrase qui m’a beaucoup occupée et que j’ai beaucoup occupée mais ce que j’ai fait avec ce monologue et que je m’apprête à faire ici pour la dernière fois je ne l’ai compris qu’hier après la dernière lecture publique que j’en ferai jamais

il y a un passage qui chaque fois me procure de la joie je suis sûre qu’il se trouve à l’exact milieu du texte je pourrais presque parier sur le nombre de mots qui m’en séparent puis de ceux qui m’en éloignent ce passage se trouve au cœur de tout ce que je veux lorsque je troue les poches de Virginia pour libérer les cailloux qu’elle y a mis et l’empêcher de se noyer chaque fois que je lis ce passage j’en refais la découverte heureuse en même temps que Virginia sauvée qui regarde les pierres tomber de ses poches trouées et les petites bulles qui remontent comme elle à la surface de la rivière chaque fois que je lis ça je le crois chaque fois c’est vrai chaque fois c’est vrai par l’écriture donc c’est vrai dans la réalité le temps de la lecture je sais maintenant que je n’ai écrit ce texte que pour ces quelques lignes parce que si on peut voir Virginia remonter à la surface et prendre sa respiration avec un petit sourire alors c’est vrai et si on peut voir la serviette éponge géante que j’ai préparée pour Virginia sauvée alors c’est vrai parce que l’écriture et la lecture c’est vrai c’est vrai pour ça c’est vrai pour voir c’est vrai pour voir la vie c’est vrai pour la sauver

Corinne Lovera Vitali " Ce qu'il faut" ( Editions Publie.net 2016)

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