1/ Il passe le long de la haie, se glisse sous les branches basses,
en ressort avec un trophée qu'il s'empresse de dépiauter allongé
sur l'herbe bien coupée de la pelouse du gîte. Le renard ne sait
pas que je l'observe derrière la porte vitrée, que je prends des
ribambelles de photos, et le suivrai du regard pendant toute son
errance pour compléter son petit-déjeuner entre les buissons
jusqu'à son évanouissement.
2/ Un vol d'hirondelles tourne et retourne sans fin sur ses coups
d'ailes qui happent le regard. L'enfant est toujours là à s'envoler
sur le dos de l'oiseau, à survoler le monde et ses incohérences, à
espérer ce pauvre éblouissement où affleurerait quelque lumière.
De cette vision se reconstruit un présent pour quelques instants,
entre feuilles et branches frôlées, arabesques dessinées,
dévoilant, effaçant, réécrivant un réel, entre un ailleurs et
ici.
3/ Dans un ici dont je ne sais rien, que je traverse, avec un regard
neuf et curieux, à prendre des photos pour fixer les souvenirs de
demain, suivre le chemin indiqué par les flèches. Passer sous un
abri, comme un temple zen ouvert sur les côtés, face à un paysage
de douceur, et lever la tête, accrocher le regard à cette charpente
particulière et se sentir propulsée dans un ailleurs.
4/ Un entre-deux où se mouvoir, comme un espace surélevé ou en
retrait, où vivre se poursuit mais d'une autre manière. Les bruits
sont autres, les arbres ont d'autres peaux, les couleurs de la terre
une autre teinte. C'est un autre lieu où se parle le silence. Des
gestes se défont, des murmures se déposent du bout des doigts, à
pas plus lents, les pensées s'infiltrent dans cette archéologie des
jours.
5/ Au-delà du carreau de la fenêtre, un paysage qui ne m'est pas
familier, que j'oublierai sans doute très vite, et pourtant il happe
mes visions: un hameau niché dans un creux sur l'autre versant, des
nappes de brume voguant au-dessus de lui, du vert imprimé de cette
pluie qui s'écoule sans bruit, et au premier plan la branche d'un
arbre dont je ne saurai rien. Une carte postale aux hirondelles
6/ Comme dire cette fascination pour le lichen... Pour ce que
personne ne regarde vraiment, qui vit çà et là, qui survit depuis
des millénaires, absolument partout sous ses formes diverses. Pour
la texture du mot que les poètes ont cherché à faire rimer avec
kraken, renne, haleine, et pourquoi pas peine. Pour cet imaginaire
dont il est porteur lorsque, étalé sur une pierre, sa calligraphie
me convie à la rêverie.
7/ Se confronter au rien. On le sait depuis l'enfance, avec
l'inscription gravée au-dessus d'une porte dans la maison de
vacances, que tout n'est rien. Et
si on inversait la sentence et que l'on se mettait à murmurer que ce
qu'on croit n'être rien, finalement est tout. Voilà ce qui importe
pour ce jour: le vol d'une hirondelle, une branche bercée par le
vent, des coquelicots sur un talus... Rien... c'est tout.